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Anatomia nova de Johannes Munniks

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La BU Lyon-1 possède deux ouvrages1 de Johannes Munniks, orthographié aussi Munnicks (1652-1711), qui fut professeur de médecine, d’anatomie et de botanique à l’université d’Utrecht et ne semble pas avoir quitté la Hollande, ni même sa ville natale, où il reçut d’abord une formation d’apothicaire dans la boutique paternelle. L’un de ces ouvrages, imprimé à Lyon en 1699 par Jacob Tenet, est consacré à l’anatomie : Anatomia nova qua juxta neotericorum inventa tota res anatomica breviter et dilucide explicatur, 1699 ou : Anatomie nouvelle dans laquelle toute l’anatomie est expliquée brièvement et clairement, selon les découvertes des anciens et des modernes. C’est la version développée et enrichie2 d’un ouvrage au titre plus laconique, De re anatomica liber, publié par le même Munniks deux ans plus tôt, à la demande de ses étudiants.

Munnicks, Johannes, De Anatomia nova qua juxta neotericorum inventa tota res anatomica breviter et dilucide explicatur, Lugdunum, sumptibus Jacobi Tenet, 1699 Munnicks, Johannes, De Anatomia nova qua juxta neotericorum inventa tota res anatomica breviter et dilucide explicatur, Lugdunum, sumptibus Jacobi Tenet, 1699

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’Anatomia nova est un volume d’environ deux cents pages, illustré de nombreuses figures et consultable en ligne3 Signe du succès qu’elle rencontra, l’Anatomia nova fut traduite en hollandais en 1740. S’adressant « au lecteur », l’auteur rend hommage à ses devanciers, cités tout au long de la préface : Munniks dresse à cette occasion une véritable généalogie des progrès de l’anatomie, depuis Mondino de Liuzzi (1275-1336), professeur à l’université de Bologne, qui a publié la première Anathomia connue au XIVème siècle et Jacopo Berengario da Carpi (1457-1530) qui fut son successeur, jusqu’à Vésale, en passant par Jean Gonthier d’Andernach (1505-1574) et Jean Canappe (XVIe siècle), éminents médecins de la Renaissance et traducteurs des œuvres de Galien.

L’Anatomia nova : une œuvre illustrée

À la différence de certains ouvrages de même nature, l’Anatomia de Munniks est abondamment pourvue d’illustrations : dix-neuf planches anatomiques ponctuent son propos et en regard de la page de titre figure un frontispice. La première illustration montre un écorché très partiel de l’un et l’autre sexe : délicatement ouverte au niveau du bas du thorax et de la moitié droite de l’abdomen, une « fenêtre » de taille réduite nous présente les organes internes de l’homme et de la femme : épigastre, ombilic, hypogastre, pubis, épiderme, derme, graisse, muscles obliques et transversaux, droits et pyramidaux et « ligne blanche » (i-e la zone de convergence et d’attache des muscles de la paroi abdominale). Cette gravure, non signée, du corps humain tout entier est une invitation à se plonger dans l’ouvrage : son faire élégant, presque « artiste » la distingue des autres planches anatomiques, beaucoup plus sèches et précises, qui sont distribuées dans le reste du manuel ; ces dernières sont consacrées chacune à un organe ou à une partie du corps humain, représentés cette fois pour eux-mêmes sans leur enveloppe naturelle : les organes sont juxtaposés les uns à côté des autres, sur une seule planche, comme ils peuvent l’être sur une table à l’issue d’une séance de dissection, ainsi en est-il de l’appareil reproducteur masculin ou du système respiratoire; si bien que plus on avance dans l’ouvrage, plus les figures se font austères, pour se réduire in fine à deux squelettes, celui d’un adulte et d’un enfant.

Munnicks, Johannes, De Anatomia nova qua juxta neotericorum inventa tota res anatomica breviter et dilucide explicatur, Lugdunum, sumptibus Jacobi Tenet, 1699 Munnicks, Johannes, De Anatomia nova qua juxta neotericorum inventa tota res anatomica breviter et dilucide explicatur, Lugdunum, sumptibus Jacobi Tenet, 1699

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette pédagogie du livre d’anatomie, en forme de dépouillement ou de déshabillage progressif du corps entier jusqu’au squelette paraît bien accordée au contenu de l’ouvrage. Les deux squelettes figurant en fin de volume font en outre écho à celui qui figure en arrière-plan du frontispice de l’Anatomia qui met en scène une étonnante rencontre : une jeune femme élégamment vêtue et coiffée à la mode est assise, tournée vers le spectateur, un pinceau (ou un stylet) à la main, occupée à dessiner le contenu d’un crâne ouvert à la scie et posé à côté d’elle sur sa table de travail, tout en tournant le dos à un squelette dont on ne sait s’il s’approche pour l’aider dans sa tâche… ou pour venir la chercher, illustration bien dans la veine de la tradition médiévale du « mort [qui] saisit le vif » en pleine activité.

Munnicks, Johannes, De Anatomia nova qua juxta neotericorum inventa tota res anatomica breviter et dilucide explicatur, Lugdunum, sumptibus Jacobi Tenet, 1699

Frontispice

Une œuvre de vulgarisation

L’Anatomia de Munniks est, c’est un peu la loi du genre, davantage descriptive que fonctionnelle : ainsi, « la main se compose de trois parties : le carpe, le métacarpe et les doigts. Le carpe est formé de huit osselets, de forme et de taille variée. Quatre sont reliés au même nombre d’os métacarpiens ; trois sont reliés au cubitus et au radius », etc. Passant à la jambe, Munniks observe que « l’os fémoral est unique : en termes de longueur, d’épaisseur et de solidité, il surpasse le reste des os de tout le corps humain. Il est creux comme une fistule, rond par-devant, légèrement déprimé à l’arrière. Son inclinaison oblique permet à l’homme de plier plus facilement le genou. Sa tête ronde et globuleuse est placée au-dessus d’un cou oblong et robuste qui doit supporter le poids de tout le corps ; elle est recouverte de cartilage et prend place dans la cavité produite par la convergence de l’os iliaque, de l’ischion et du pubis ; dans cette cavité, également appelée acetabulum, elle est maintenue par des ligaments solides. » Et ainsi de suite…

Munnicks, Johannes, De Anatomia nova qua juxta neotericorum inventa tota res anatomica breviter et dilucide explicatur, Lugdunum, sumptibus Jacobi Tenet, 1699 Munnicks, Johannes, De Anatomia nova qua juxta neotericorum inventa tota res anatomica breviter et dilucide explicatur, Lugdunum, sumptibus Jacobi Tenet, 1699

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le plan de l’ouvrage semble assez utilitaire : l’auteur examine d’abord les plus remarquables « cavités » du corps : la tête, le thorax et l’abdomen, principales sources de troubles, avant d’aborder les extrémités du corps. Cet ouvrage, sans doute issu d’une pratique assidue de la dissection, marque-t-il un réel progrès des connaissances ou de la façon d’envisager l’anatomie ? Il est permis d’en douter, surtout si l’on le rapproche de l’ouvrage sur le même sujet d’ Isbrand de Diemerbroeck, qui eut Munniks pour élève avant que celui-ci ne lui succède à la chaire d’anatomie de l’université d’Utrecht : « Comme la connaissance du corps humain ne consiste pas seulement à avoir en sa mémoire le nombre et la situation des parties, mais encore à savoir parfaitement leurs usages et leurs fonctions, et à en pénétrer les causes, il est certain qu’il n’y a pas eu d’anatomie où ces fonctions et ces usages aient été traités plus à fond » observe pertinemment le traducteur et auteur de la préface (française) de l’ouvrage de Diemerbroeck, un ouvrage qui, à la différence de l’Anatomia de Munnicks, apparaît beaucoup plus explicatif ; même s’il comporte moins d’illustrations (16 gravures) que celui de Munnicks (19). Le compendium de deux cents pages de petit format de Munnicks ne saurait donc être mis sur le même plan que l’ample traité en deux livres de Diemerbroeck. Plus court et plus descriptif, l’Anatomia nova semble bien une publication destinée aux étudiants plutôt qu’aux membres du corps médical.

Article rédigé par Jean Coquin élève conservateur à l’Enssib

Source

Munnicks, Johannes, De Anatomia nova qua juxta neotericorum inventa tota res anatomica breviter et dilucide explicatur, Lugdunum, sumptibus Jacobi Tenet, 169. Disponible en ligne [consulté le 11 juin 2025]

Bibliographie

Belhoste, Bruno. Histoire de la science moderne, De la Renaissance aux Lumières, Paris, A. Colin, 2016, 310 p.

Mâle, Emile. L’Art religieux de la fin du Moyen Âge en France. Étude sur l’iconographie du Moyen Âge et sur ses sources d’inspiration. Paris, A. Colin, 1922 Disponible en ligne [consulté le 11 juin 2025]

Banga, Jelle, Geschiedenis van de geneeskunde en van hare beoefenaren in Nederland : vóór en na de stichting der Hoogeschool te Leiden tot aan den dood van Boerhaave, [Histoire de la médecine et de ses praticiens aux Pays-Bas, depuis l’époque antérieure à la fondation de la Faculté de Leyde jusqu’à la mort de Boerhaave], vol. 2, 1870, p. 616-618.

Diemerbroeck, Ijsbrand van, L’Anatomie du corps humain, « nouvelle traduction de J. Prost », Lyon, Anisson et Posuel, 1695. Disponible en ligne [consulté le 11 juin 2025]

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  1. De Anatomia nova. Lugdunum, Jacobi Tenet, 1699 & Cheirurgia, ad praxin hodiernam adornata. Venise : Antonium Bortoli, 1751 []
  2. A. H. Huussen Onderwijs en onderzoek. Studie en wetenschap aan de Academie van Groningen in de 17e en 18e eeuw. 2003, p.38 []
  3. l’ouvrage a été numérisé avec le soutien de la BnF []

OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Interfaces/fonds anciens BU Lyon (14 juin 2025). Anatomia nova de Johannes Munniks. Interfaces. Livres anciens de l'Université de Lyon. Consulté le 8 novembre 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/144o9


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