La représentation des constituants de la matière du Docteur Achalme
La représentation des atomes et des molécules, non visibles à l’œil, a occupé de nombreux chimistes et de multiples solutions ont été envisagées selon le sujet traité : configuration des molécules, réactions chimiques…. Une proposition supposée répondre à toutes les situations a été élaborée par un médecin, le Docteur Pierre Jean Achalme dans une série d‘ouvrages publiés de 1920 à1924 sous le titre général, Les édifices physico-chimiques. La bibliothèque universitaire possède les deux premiers tomes, L’atome. Sa structure, sa forme, publiée en 1921 et La molécule. Équilibres et réactions chimiques de1922. Deux volumes brochés qui comportent de nombreux dessins et une grande planche dépliante, gravés à la plume, par Raoul Leclerc (1883-1960 ?), un élève de l’École des Beaux-Arts qui fut radiologiste à l’hôpital colonial durant la première guerre mondiale où il a peut-être connu le Docteur Achalme1.
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Pierre Jean Achalme
Le Docteur Achalme est né le 30 juin 1866 à Riom et décédé à Paris en 1935. Il a fait une brillante carrière, après avoir débuté comme interne des hôpitaux de Clermont-Ferrand, il a travaillé avec Emile Duclaux (1895-1904) à l’Institut Pasteur. Il a obtenu la médaille d’argent des Hôpitaux de Paris et le prix Antoine Portal de l’Académie de médecine en 1891. En 1893, il est chef de laboratoire à la Clinique de la Pitié. Le Bulletin officiel de la ville de Paris2 indique qu’en 1908, il demeurait, 1 rue Andrieux dans le 8ème arrondissement de Paris et annonce la création de la Société de produits chimiques de Suresnes (sels de baryte) dont le Docteur Achalme est le fondateur.
Spécialisé dans les maladies de peau, il a publié Considérations pathogéniques et anatomopathologiques sur l’érysipèle, ses formes et ses complications mais aussi un traité sur La sérothérapie. Ces ouvrages sont présents dans les collections de la BU Lyon 1. En 1927, il est élevé au grade d’Officier de la Légion d’honneur en qualité de directeur du laboratoire colonial de l’École des hautes études auprès du Muséum d’histoire naturelle. Mais, peut-être à cause de son dernier ouvrage, il a été un peu oublié, le titre est en effet tout un programme: La science des civilisés et la science allemande.
Le projet éditorial
L’éditeur, Payot, présente l’œuvre ainsi « Dans cette œuvre absolument originale et nouvelle, l’auteur, partant de quelques postulats très accessibles, cherche à pénétrer la structure intime du monde extérieur et à en donner une représentation concrète, permettant une explication rationnelle des phénomènes chimiques et biologiques. ».
La série devait comprendre sept volumes :
- L’atome, sa structure, sa forme
- La molécule. Équilibres et réactions chimiques
- La molécule minérale
- La molécule organique
- La molécule vivante
- Les êtres vivants
- L’homme
Il semble que seuls les trois premiers aient été publiés.
Dans l’avant-propos du premier tome, Achalme explique sa démarche : « Quels sont les constituants de l’atome chimique ? Sont-ils réductibles à une ou plusieurs unités ? Ces unités une fois définies, quel est leur nombre dans l’architecture de chaque atome ? Le nombre de ces unités une fois déterminé, selon quels rapports sont-elles juxtaposées dans l’espace, c’est-à-dire quelle est la forme que revêtent les divers agrégats atomiques ? […], les derniers chapitres étant consacrés à l’étude particulière de chaque atome chimique. ». Au fait de toutes les avancées scientifiques le Docteur Achalme explique pourquoi, selon lui, il ne peut exister d’atome neutre et à la fin du tome II il critique violemment l’atome de Bohr. Mais son propos principal est la représentation de l’électron dont il n’est pas convaincu de la matérialité et pour lequel il imagine différentes hypothèses. Il affirme également que l’unité de matière (l’atome d’hydrogène) ne peut être que sphérique par symétrie et que la représentation des atomes est nécessairement géométrique, il écrit :« Pour se figurer vraiment la constitution d’un atome ou d’une molécule, il faut réussir à les voir dans l’espace et à leur donner la forme d’un solide géométrique […] les atomes s’unissent non par leurs sommets mais par leurs faces ». Ainsi pour l’atome d’hydrogène, il explique page168 :« Pour déterminer le solide géométrique dont la forme doit correspondre à celle de l’atome d’oxygène nous examinerons les groupements que l’on peut effectuer à l’aide de 16 sphères. Les formes envisagées sont : un cube de 4 sphères de côté, trop fragile ; une pyramide qui ne peut convenir aux deux valences symétriques de l’atome ; un prisme qui correspond d’une manière complète aux propriétés de l’oxygène ».
Les illustrations insérées dans le texte présentent successivement tous les éléments de la classification périodique sous forme d’amas de sphères, la forme géométrique étant censée toujours être compatible avec la valence de l’atome. Sous forme graphique l’auteur propose des représentations des réactions chimiques, des transformations thermiques ou de l’électrolyse. Les dessins sont de plus en plus complexes lorsque les réactifs contiennent un plus grand nombre d’atomes. Est-ce la raison qui n’a pas permis au Docteur Achalme de poursuivre son projet jusqu’à la représentation du vivant ?
En tout cas, il semble que ses idées n’aient pas eu d’écho dans la communauté scientifique qui ne les a pas reprises.
Les ouvrages conservés à la BU comportent des marques de consultations, plusieurs valeurs numériques ont été corrigées à l’encre de couleur et dans le premier volume, une note manuscrite fait référence à une expérience plus tardive du physicien lyonnais Jean Thibaud (1901-1960) qui en 1925 soutenait tout juste sa thèse.
Article rédigé par Françoise Khantine-Langlois, chercheure associée au S2HEP Lyon1
Sources:
Achalme, Pierre Jean. Les édifices physico-chimiques. Tome I, L’atome, sa structure, sa forme avec des dessins à la plume de M. Raoul Leclerc. Paris : Payot, 1921. Cote 57250
Achalme, Pierre Jean. Les édifices physico-chimiques. Tome II, La molécule : équilibres et réactions chimiques avec des dessins à la plume de M. Raoul Leclerc. Paris : Payot, 1922. Cote 58172
Bibliographie:
Achalme, Pierre Jean. Considérations pathogéniques et anatomopathologiques sur l’érysipèle, ses formes et ses complications. Paris : Masson 1892. Disponible en ligne [Consulté le 5 février 2025]
Achalme, Pierre Jean. La sérothérapie. Paris : Rueff, 1895. Disponible en ligne [Consulté le 5 février 2025]
Achalme, Pierre Jean. La science des civilisés et la science allemande. Paris : La Revue, 1915. Disponible en ligne [Consulté le 5 février 2025]
Guinet, L. « Les édifices physico-chimiques Pierre Jean Achalme ». In Isis, Vol.5, n°2, p.464-465. Disponible en ligne [Consulté le 5 février 2025]
- Leclerc, Raoul (05/08/1883 – ?) voir [↩]
- Bulletin officiel de la ville de Paris, 24 juillet 1908 pp.3064 -3068 [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Interfaces/fonds anciens BU Lyon (10 février 2025). La représentation des constituants de la matière du Docteur Achalme. Interfaces. Livres anciens de l'Université de Lyon. Consulté le 25 mars 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13abz