Ampère et la théorie des phénomènes électrodynamiques

En prélude aux célébrations du 250ème anniversaire de la naissance d’André-Marie Ampère (1775-1836) qui débuteront à la BU Lyon 1 le 8 octobre avec l’exposition « Ampère en continu… » nous vous proposons de découvrir le savant et deux exemplaires de la Théorie des phénomènes électrodynamiques déduites de l’expérience, l’original de 1826 et sa réédition de 1883 conservés dans les collections de la bibliothèque.

Raison… et sentiments

Watt, Voltage, Ohm…les mesures électriques portent bien souvent le nom de leurs découvreurs illustres. Le nom d’André-Marie Ampère a été utilisé pour la mesure de l’intensité du courant électrique, à juste titre. Surnommé « le Newton de l’électricité » par l’un de ses successeurs, James Clarke Maxwell (1831-1879), c’est en effet à Ampère que nous devons les termes de courant, de tension, ou encore de cybernétique.

Gustave Eiffel fait figurer le nom d’Ampère sur le bandeau dédié aux hommes de science sur sa tour. Pour autant, bien qu’il soit connu avant tout pour son attrait pour la physique, Ampère était un touche-à-tout. Son éducation autodidacte, souhaitée par un père féru de Rousseau, le mènera en mathématiques qu’il enseignera à Bourg, Lyon et Paris puis à l’Ecole Polytechnique et au collège de France, mais aussi en philosophie à laquelle il se consacrera, une fois sa théorie de l’électricité achevée, et en chimie où il est l’un des précurseurs de la différenciation entre atomes et molécules : la loi d’Arago-Ampère statue que les gaz à volume et pression égaux contiennent une quantité de molécules identique. Par ailleurs, il sera nommé par Napoléon Inspecteur de l’Université.

Adolescent curieux doté d’une mémoire prodigieuse, Ampère avait entièrement lu les volumes de l’Encyclopédie à 14 ans et connaissait les principaux traités de mathématiques à 18. Cependant, la décapitation de son père, aristocrate et juge, lors de la Révolution, l’affecta profondément. Il mit une année à se remettre, isolé du monde mais entouré d’ouvrages de botanique et des poètes latins qu’il lisait dans le texte.

Son journal, sa correspondance et les témoignages de son entourage nous renseignent sur sa personnalité. Timide et sensible, il fit maladroitement la cour à celle qui sera sa femme, Julie Carron. Obligé de partir à Bourg pour son emploi et ses recherches, il demeura toujours soucieux de l’état de santé de son épouse qu’il dut laisser à Lyon. Cette dernière mourra trois ans après la naissance de leur fils. Ampère se remariera quelques années plus tard, mais cette union dont sera issue une fille se soldera par une rapide séparation. Meurtri par sa vie sentimentale, il se tournera alors à cette époque vers la religion et la philosophie.

Un autre trait s’en dégage : l’étourderie. Ampère fournira l’archétype du savant génial mais tête en l’air.  Un jour, cherchant son mouchoir, il se saisit du chiffon pour essuyer la craie des tableaux, inspiration du personnage du professeur Cosinus.

Ampère : une intuition géniale .

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ampère décrit ses découvertes dans les Mémoires des courants électriques (1820), le recueil d’observations électrodynamiques (1822) et la Théorie des phénomènes électrodynamiques (1826). Le fonds ancien dispose de deux exemplaires de la Théorie des phénomènes électrodynamiques déduites de l’expérience, l’original de 1826 et sa réédition de 1883, conforme à la première publication mais avec des rajouts dans les notes après le corps du texte. Les deux sont des in-quarto à demi-reliure cartonnée marbrée et sont émoussés avec des traces de frottements sur les plats. Deux planches d’illustrations des instruments sont à déplier en fin des deux ouvrages

 

 

 

 

 

 

 

Ampère débute son ouvrage par un éloge du siècle des Lumières et de ses innovations : « L’époque que les travaux de Newton ont marquée dans l’histoire des sciences n’est pas seulement celle de la plus importante des découvertes que l’homme ait faite sur les causes des grands phénomènes de la nature, c’est aussi l’époque où l’esprit humain s’est ouvert une nouvelle route dans les sciences qui ont pour objet l’étude de ces phénomènes » (page 3). L’électricité est en effet un sujet de débat tout au long du XVIIIe siècle. Deux théories émergent pour expliquer les phénomènes électrique et magnétique : l’idée selon laquelle les manifestations électriques sont provoquées par contact et celle, newtonienne, par attraction et répulsion. En 1820, pour essayer d’éclaircir ces théories, le Danois Hans Christian Oersted (1777-1851) se sert de l’aiguille d’une boussole. En présence d’un courant électrique, l’aiguille est déviée de sa trajectoire naturelle. Il en déduit ainsi que le courant électrique produit un champ magnétique mais ses confrères en France sont sceptiques. Cette expérience stimulera Ampère qui ne mettra qu’une semaine après l’avoir vu reproduite par François Arago (1786-1853) à Paris pour émettre l’hypothèse d’un magnétisme terrestre – puisqu’une aiguille aimantée pointe naturellement vers le Nord – (comme le démontrera son croquis connu sous le nom de « bonhomme d’Ampère » permettant de définir l’orientation de l’aiguille de la boussole soumise à un courant). Plutôt que d’associer électromagnétisme et magnétisme, il suppose l’existence d’un courant électrique au sein des aimants et donc une interaction entre magnétisme et électricité: c’est l’électro dynamisme, sujet abordé par la Théorie des phénomènes électrodynamiques déduite de l’expérience.

Article rédigé par Abby-Eleonore Thouvenin étudiante Médiat

Sources:

Ampère, André Marie. Théorie des phénomènes électro-dynamiques, uniquement déduite de l’expérience. Paris, Méquignon-Marvis,1826.

Ampère, André Marie. Théorie mathématique des phénomènes électro-dynamiques : uniquement déduite de l’expérience. Paris : A. Hermann, librairie scientifique, 1883.

Bibliographie :

Ampère, André-Marie. « Mémoire […] sur les effets des courants électriques », Annales de chimie et de physique, 1820, vol. 15, p. 59-75, p. 170-218. Disponible en ligne [consulté le 9 septembre 2024]

Ampère, André-Marie. Recueil d’observations électrodynamiques, Paris, 1822. Disponible en ligne [consulté le 9 septembre 2024]

Jacques, Éric. Ampère. Paris : Ellipses, 2021.

Saudejaud, Thierry. Je suis … André-Marie Ampère. Lyon : Je suis; n° 55

 

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