L’art de naviguer selon Henri Pitot

La BU Lyon1 possède dans ses collections patrimoniales l’ouvrage d’Henri Pitot La théorie de la manœuvre des vaisseaux réduite en pratique, ou, les principes et les règles, pour naviguer le plus avantageusement qu’il est possible. L’ouvrage a été publié en 1731 par Claude Jombert (1679-1735), imprimeur – libraire à Paris. Le cachet figurant sur la page de titre indique que l’exemplaire provient de la bibliothèque du Lycée impérial de Tournon ; il appartient à l’ensemble de 3000 volumes transférés en 1888 à l’Université de Lyon par décision ministérielle. Numérisé avec le soutien de la Bibliothèque nationale de France, il est consultable en ligne.

Henri Pitot (1695-1771)

Henri Pitot est né et décédé à Aramon dans le Languedoc. Engagé très jeune dans l’armée, c’est tout seul qu’il a étudié les mathématiques et s’est doté d’une solide formation scientifique. En complément de ses lectures théoriques, il a mis en application ses connaissances et réalisé différents instruments : une mappemonde, un cadran solaire, des lunettes et divers instruments de visée… En 1718, il se rend à Paris pour devenir le disciple de René-Antoine de Réaumur (1683 -1757), physicien et naturaliste, membre de l’Académie Royale des Sciences. En 1724, il obtient une place d’adjoint mécanicien à l’Académie des Sciences et publie l’année suivante, un mémoire sur les machines mues par l’eau. Nommé associé mécanicien de l’Académie en 1727, il poursuit ses travaux sur le mouvement des fluides et en 1731 parait sa Théorie de la manœuvre des vaisseaux.

La théorie de la manœuvre des vaisseaux.

Comme Henri Pitot l’explique dans la préface, son ouvrage est fondé sur les principes de Bernoulli¹ : « M. Bernoulli […] publia en 1714 une nouvelle Théorie de la manœuvre, fondée sur des principes incontestables, & que personne avant lui n’avait si solidement établis. Mais autant elle est propre à contenter les géomètres, autant elle l’est peu à satisfaire le commun des marins. C’est donc pour mettre plus à la portée de ces derniers les Principes de la Manœuvre, que je me suis déterminé à composer ce petit traité. ». Après un rappel de la théorie en huit sections, il consacre sa dernière partie à expliquer comment résoudre les principaux problèmes de la manœuvre qu’il complète par plusieurs tables donnant aux pilotes toutes les déterminations pouvant leur servir pour naviguer presque sans aucun calcul. Le livre fut très apprécié par les officiers de marine français mais aussi par les anglais ce qui valut à Pitot d’être élu membre de la Royal Society de Londres. Un an après, en 1732, il publie Description d’une machine pour mesurer la vitesse des eaux courantes et le sillage des vaisseaux dans lequel il décrit le fameux « Tube de Pitot » permettant de calculer la vitesse de l’écoulement d’un fluide. Ce dispositif aura une diffusion industrielle mondiale et sert encore aujourd’hui à fabriquer des lochs utilisés dans la marine et l’aviation.

Présentation matérielle de l’exemplaire de la BU

L’ouvrage d’Henri Pitot est une édition unique in quarto. Le volume conservé à la BU est relié en basane mouchetée. Le dos à nerfs est orné de motifs floraux avec une pièce de titre en maroquin rouge, les tranches sont marbrées cailloutées.

Il est illustré d’un frontispice exécuté par le graveur Franz Ertinger (1640-1710). La page de titre imprimée en rouge et noir est suivie d’une dédicace au ministre et secrétaire d’État à la Marine de Louis XV, Jean-Frédéric Phélypeaux, comte de Maurepas (1701-1781). A la fin du traité sont rassemblés les vingt-deux tableaux dont deux dépliants indiquant comment manœuvrer les vaisseaux dans diverses situations, et les huit planches gravées dépliantes montrant avec des schémas, diverses positions de navigation des bateaux avec la direction des vents ; ainsi la planche 8 illustre le mécanisme de la rame.

Table I

Pl.8

Après ses années parisiennes, Henri Pitot retourne en 1742 dans sa région natale, il supervise la réalisation de très nombreux aménagements parmi lesquels, la construction du pont routier qui double le pont du Gard et l’aqueduc de Saint Clément à Montpellier (les Arceaux) qui sera achevé après sa mort, en 1772.

Article rédigé par Livia Rapatel, BU Lyon1

Bibliographie :

Grandjean de Fouchy, Jean-Paul. «  Eloge de M. Pitot ». In Histoire de l’Académie royale des sciences … avec les mémoires de mathématique & de physique.Paris : Imprimerie royale, 1771, pp. 143-157. Disponible en ligne [consulté le 9 juin 2021].

Humbert, Pierre. L’œuvre mathématique d’Henri Pitot. In: Revue d’histoire des sciences et de leurs applications, tome 6, n°4, 1953. pp. 322-328. Disponible en ligne [consulté le 9 juin 2021].

L’Hôte, Yann. « Henri Pitot (1695-1771), son tube et l’aqueduc de Saint Clément ». In Mémoire d’OC. N° 176 Janvier 2015.Disponible en ligne [consulté le 9 juin 2021].

1. Daniel Bernoulli 1700-1782 [↩]

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