Les Descriptions des arts et métiers et l’Encyclopédie : des planches aux ressemblances frappantes

Dans un article précédent, nous avons présenté la collection, conservée à la Bibliothèque universitaire de Lyon 1, des Descriptions des arts et métiers faites ou approuvées par Messieurs de l’Académie royale des sciences et nous avons évoqué le rôle majeur joué par Réaumur dans cette entreprise, même s’il n’a rien publié.

L’intérêt principal de cette œuvre, en dehors des explications très précises sur les différents métiers du XVIII^e siècle, réside dans la présence de très nombreuses planches illustrées. On estime qu’à la fin de la publication de l’œuvre, Moutard, l’imprimeur qui avait hérité de l’impression des derniers fascicules après Delatour et Guérin, et donc des cuivres gravés, possédait environ 1750 planches. Il est par ailleurs clairement établi que, pour 150 d’entre elles, l’Académie des sciences a repris les gravures supervisées et imprimées par Réaumur au cours de sa vie et que ce dernier lui avaient laissées à sa mort en 1757.

Mais d’où vient la très grande ressemblance de ces planches avec celles de l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers de Diderot et d’Alembert, qui apparaît de manière si frappante lorsqu’on ouvre pour la première fois un fascicule des Descriptions des arts et des métiers ? On retrouve dans les deux ouvrages la même disposition particulière : la représentation d’ateliers ou de chantiers, avec les ouvriers au travail, dans une vignette, et au-dessous le détail des outils. On note aussi de manière semblable la présence du titre de la série à laquelle la planche appartient, ainsi que son numéro, et le nom de son graveur.

Pour quelques planches, la ressemblance devient troublante. Pour exemple, voici deux planches illustrant les articles sur la briqueterie. La planche du haut provient de l’exemplaire des Descriptions des arts et métiers, conservé à la Bibliothèque universitaire des sciences de Lyon 1, et celle du bas de l’exemplaire de l’Encyclopédie, conservé à la Bibliothèque interuniversitaire de Lyon. On remarque qu’il s’agit exactement de la même planche, simplement retournée et légèrement modifiée au niveau des légendes.

DUHAMEL DU MONCEAU, et al., Descriptions des arts et métiers… L’art du Tuilier et du Briquetier, Paris, 1763

DIDEROT, Denis, ALEMBERT, D’, Encyclopédie…, supplément planches, vol. XII, Paris : Briasson, Neufchastel : Samuel Faulche et Cie, 1777

Alors, y a-t-il eu simple inspiration de la part des Encyclopédistes ou plagiat ? Quand bien même les libraires de l’Encyclopédie acceptèrent de soumettre leurs planches à la révision de l’Académie, Georges Huard démontre, dans un article publié en 1951, qu’il y a bien eu vol et copie de planches de Réaumur destinées à la publication des Descriptions des arts et des métiers, même si  l’importance du plagiat reste imprécise.

Saluons à sa juste mesure cette œuvre trop méconnue du XVIII^e siècle. L’entreprise menée par l’Académie des sciences est un beau témoignage de l’Esprit des Lumières, au même titre que l’Encyclopédie. Et les Descriptions des arts et des métiers, par la trace qu’elles laissent de l’état des Arts au XVIII^e siècle, constituent une source riche et détaillée pour celui qui s’intéresse aux métiers de cette époque, bien souvent disparus de nos jours, ou tout simplement pour le curieux qui veut observer de très belles illustrations techniques.

Billet rédigé par Marion Chalvin

Sources :

DAUMAS, Maurice, TRESSE, René, « La Description des Arts et Métiers de l’Académie des Sciences et le sort de ses planches gravées en taille douce », dans Revue d’histoire des sciences et de leurs applications, 1954, Tome 7 n°2, p. 163-171.

HUARD, Georges, « Les planches de l’Encyclopédie et celles de la Description des Arts et Métiers de l’Académie des Sciences » dans Revue d’histoire des sciences et de leurs applications, 1951, Tome 4 n°3-4, p. 238-249.

Interfaces/fonds anciens BU Lyon

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